Tour de Belle-Ile 2011 : à bord du trimaran Sensations
Une fois n’est pas coutume. Nous allons vous raconter de l’intérieur le Tour de Belle-Ile 2011.
La parole n’est donc pas aux participants mais à l’équipage, et en particulier à Brice.
Petit retour sur une journée riche en émotions et en… embruns !
Il est 8h30 ce samedi 7 mai au matin lorsque tout le monde se retrouve sur le bateau. Nous sommes 9 à bord : Alain Gautier, deux équipiers confirmés (Johan Quistrebert et Christophe Lassègue), 5 invités, et moi-même.
Nous sortons du nouveau briefing de l’organisation qui nous annonce que les prévisions annoncées plutôt musclées sont finalement maniables, et que donc les 468 bateaux engagés feront bien le parcours initialement prévu, le tour de Belle-Ile. Mais personne n’est dupe ; nous savons bien qu’il y aura du vent et de la mer derrière Belle-Ile. Il est donc grand temps de s’équiper correctement, la journée va être humide.
Premier défi : quitter la Trinité. Cela paraît banal, mais avec 20 à 25 nœuds de vent dans l’axe du chenal, le fardage énorme de ce type de bateau (le mât à lui seul fait déjà près de 25m2 de surface !), notre petit moteur (une 30aine de chevaux !) et la multitude de bateaux autour de nous ce n’est pas si simple. Il faudra hisser la grand voile le plus vite possible à la sortie du chenal pour dégager au plus tôt. La journée va donc commencer avec un bel effort physique sur les moulins à café !
La sortie passée sans encombres, nous apprenons que le comité de course décide de retarder le départ une nouvelle fois. Commence donc l’attente sur l’eau et nous en profitons pour faire les bons choix de voile et réexpliquer une nouvelle fois aux invités le fonctionnement des colonnes de winch afin qu’ils sachent les connecter correctement.
Le départ approche enfin. Les 5 minutes sont données. On déroule la trinquette et Alain va se placer sous la ligne. Départ parfait dans le timing, un peu à l’écart des autres multis afin de ne pas prendre de risques. L’équipage au global n’est pas un équipage de pro, il faut le gérer. On devrait pouvoir atteindre le chenal de la Teignouse en deux bords. Le bateau marche déjà à plus de 20 nœuds au près, et Gitana, notre principal « adversaire », est à notre vent. Tout est parfait.
Tout d’un coup, un immense « clac » à l’avant ! C’est le point d’amure de la trinquette qui vient de céder ! Nous sommes partis depuis une minute… pas question de dérouler le solent, trop de vent. Heureusement nous avons une deuxième trinquette, un peu plus petite, à bord. Commence alors le compte à rebours pour changer la voile. C’est long et physique ! Le bateau continue sa route sous grand voile seule à 12 nœuds à peine… Nous voyons Gitana et les 50 pieds récents prendre la poudre d’escampette… La déception se fait sentir mais Alain avec calme et sérénité organise le travail. Christophe et Johan ne vont pas chaumer ; Alain me confie la barre pour leur donner un coup de main. Pas facile de barrer un multi sous GV seule, au près, dans plus de 20 nœuds de vent. C’est très ardent ! Il nous faudra une bonne demi-heure d’efforts pour pouvoir enfin repartir. La Teignouse est encore loin et l’on aperçoit déjà Gitana enquiller la chenal… suivi de près par Prince de Bretagne, Crèpes Wahou et Actual. Nous avons également « perdu » le premier invité, malade ; il ne relèvera pas la tête avant le retour au port…
Deux bords de près plus loin, au niveau de la Teignouse, nous pouvons enfin abattre un peu. La vitesse grimpe immédiatement. Nous sommes maintenant entre 20 et 25 nœuds et la « remontée fantastique peu commencer ». Groupama 70, impressionnant dans ces conditions, l’ancien tri de Helen MacArthur…
Le trimaran 50 pieds Maître Jacques est dans la ligne de mire. Un peu plus loin Crèpes Wahou et Actual. Gitana par contre s’est envolé ! On le distingue encore, mais il est loin, très loin.
Les Poulains approchent à grands pas. Il va à nouveau falloir serrer le vent. Et surtout la houle commence à se faire sérieusement sentir.
Nous pourrons faire « l’arrière de Belle-Ile » en deux bords, mais quels bords ! 17 à 24 nœuds de vitesse, 2 à 3 mètres de creux, rafales jusqu’à 28 nœuds et passage de grains. Ce n’est plus de la voile mais un mix entre le manège Disney et la machine à laver ! Le bateau s’envole littéralement sur certaines vagues, il ne reste plus que le safran du flotteur sous le vent dans l’eau… A ce moment-là on est encore plus content d’avoir Alain Gautier à la barre. On sent toute la maîtrise de « l’engin ». Les foïls prennent également tout leur sens ; on voit leur travail énorme lorsque le flotteur sous le vent enfourne dans les vagues. Le bruit est incessant et les paquets de mer s’abattent sans cesse sur nous ; il n’y a pas vraiment d’endroit pour s’abriter. Et à 25 nœuds ce n’est plus la douche mais une véritable lance à incendie ! dire que certains se paient une thalasso pour ça… On ne peut même plus regarder devant, il faut sans cesse tourner la tête. Les embruns, la pluie fouettent le visage et font mal. Les lunnettes de soleil restent finalement indispensables malgré le temps gris ; elles deviennent le pare-brise de nos yeux et sont le seul moyen de pourvoir les ouvrir. Les manœuvres deviennent difficile, les déplacement fastidieux et les doigts se crispent sur les filets pour tenir assis ou à genoux. Alain avouera à la fin de la régate qu’avec des invités à bord et si peu de pros, nous étions dans les conditions limites de maniabilité. Il ne fallait pas plus. D’autant qu’un deuxième invité vient de succomber au mal de mer. Nous ne sommes plus que 7 opérationnels… C’est un peu juste vu les efforts demandés.
Mais au-delà de tout ceci quel bonheur de voir ce trimaran voler de vagues en vagues, accélérer à la moindre rafale ou la moindre adonnante et revenir petit à petit sur ses concurrents. C’est un peu maso sûrement mais c’est presque du bonheur à l’état pur ! Un sentiment incroyable de jouer et partager avec les éléments.
Au niveau de Bangor, nous sommes bord à bord avec Crêpes Wahou et Prince de Bretagne n’est qu’à quelques encablures devant. Gitana paraît également bien moins loin. Il est clair que nous revenons petit à petit sur lui.
Au niveau de la pointe des Canons, Crêpes Wahou est derrière et nous passons Prince de Bretagne. On peut enfin ouvrir à nouveau les voiles, fortement. Le trimaran dépasse les 30 nœuds ! La mer se calme et la glisse commence. Nous sommes sur un bord où il faudrait envoyer le gennaker ; mais ce sont 240 m2 de toile à dérouler et à maîtriser, le vent est toujours très fort, nous sommes rincés et avons deux malades à bord. Alain décide donc sagement de dérouler le solent. Mais Crêpes Wahou et Prince de Bretagne déroulent, eux, leur gennak et nous repassent devant. C’est un peu rageant mais la sécurité et surtout la sérénité doivent primer. D’autant plus que nous continuons à revenir sur Gitana qui à un ris de trop et qui perd du temps à le renvoyer. Ces gros trimaran ne sont pas simples à bien équilibrer dans ses conditions. On sent finalement les 50 pieds presque plus à l’aise.
Dernier empannage à la Teignouse pour filer vers la ligne. Nous ne descendons plus en-dessous des 30 nœuds de vitesse. Le bateau vole sur l’eau. Nous lâchons Actual qui était revenu sur nous et Crêpes Wahou n’est qu’à quelques encablures. Mais la ligne approche à vitesse grand V.
Ce sera donc au final la quatrième place au général pour nous à seulement 6 minutes de Gitana ! Alors que nous estimons avoir eu 1/4h de retard au premier passage de la Teignouse.
Dommage, le « combat » annoncé n’aura pas eu lieu, même si ils auraient probablement été très difficile à battre. Mais nous aurions probablement pu leur mettre un peu de pression !
Malgré cette petite déception c’est le grand bonheur qui prime à bord. Nous avons tous conscience d’avoir vécu un moment privilégié de voile, avec un spectacle magnifique. Ces presque 500 bateaux au départ sur une seule ligne c’était tout simplement magique et magnifique. Et à voir le sourire des invités, mêmes des malades (!), nous savons que la journée est plus que réussie.
Le mien de sourire ne devait pas être mal non plus ! C’est fou mais on ne se lasse pas une seule seconde de ces bateaux magiques. C’est plus que grisant.
D’ailleurs Alain Gautier n’était pas le dernier à afficher un grand sourire !
Merci à l’organisation du Tour de Belle-Ile pour ce très bel évènement et à l’année prochaine ! Nous serons là, c’est certain !
Brice Lavirotte
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