Interview David Forveille : le travail des hommes de l’ombre
On les présente comme les hommes de l’ombre. Ce sont les préparateurs de bateau, dont fait partie le boat captain. Le boat captain c’est le responsable technique des bateaux et l’interface équipe technique / skipper. Sans eux, rien ne se passe ; ils sont devenu une obligation pour gérer des bateaux de plus en plus techniques et performants.
Mais ce ne sont jamais que des techniciens. Ils sont également navigants et souvent même très confirmés. Voici une petite interview de David Forveille, notre boat captain…
David, la presse et les skippers font la part de plus en plus belle aux « hommes de l’ombre » du monde de la course au large ; tu fais partie de ceux-là. Peux-tu nous expliquer en quoi consistent tes fonctions au sein du team d’Alain Gautier ?
Je suis plus particulièrement en charge de l’aspect technique des bateaux : préparation, entretien, développement, réparation ; et depuis deux ans Alain m’offre l’opportunité de skipper le trimaran Sensations
Concrètement comment cela se matérialise-t-il ?
Dans un premier temps ; assurer le suivi et l’entretien général ; éventuellement les modifications s’il y a lieu. Ensuite, faire en sorte que le bateau soit prêt et dans les meilleures conditions pour pouvoir naviguer ; Je suis en fait le « boat-captain »
En dehors de cet aspect purement technique, il y a un travail d’organisation générale, de coordination des équipes et de relation avec les fournisseurs si nécessaire.
Quel est ton parcours pour en arriver là ?
Apres quelques années passées dans le sud de la France sur des 12MJI (ancien bateau de la coupe de l’America), j’ai participé à deux campagnes pour des défis français en temps que technicien et ensuite technicien navigant ; j’ai ensuite travaillé sur divers projets notamment avec Michel Desjoyeaux au sein du team Mer Agitée et sur des projets mono soixante pieds open. Je n’ai pour le moment jamais quitté le monde de la course.
Faut-il des compétences particulières ?
La voile est un sport mécanique ; il faut donc des compétences dans ce domaine. Ensuite des compétences en matériaux composites ne sont pas négligeables sachant que nos bateaux sont entièrement construits en carbone.
Il faut bien sur une bonne connaissance de tous les aspects de la navigation et de l’utilisation des instruments qui s’y rattachent ainsi qu’un sens aigu de l’organisation.
L’accumulation d’une somme d’expériences au contact de différents skippers ou projets aboutie à une polyvalence nécessaire pour ce rôle.
Navigues-tu également en course ?
Cela m’arrive bien entendu… plus particulièrement en équipage ; la régate est une formidable école de voile ; humaine aussi. C’est le moyen le plus rapide d’apprendre des gestes précis, d’augmenter sa concentration et de se confronter à des situations délicates et donc gérer son stress.
En quoi consiste un chantier d’hiver sur un trimaran Orma (hors préparation compétition) ?
La première chose à faire est une liste de toutes les choses défaillantes ou qui peuvent être améliorées pour s’adapter au programme du bateau.
Ensuite s’occuper des travaux qui ne peuvent être effectues qu’à terre : carène, safran, mât et gréement. Il faut profiter de ce temps pour envoyer les voiles en révision ou réparation ;
Ensuite assurer l’entretien du moteur, des winchs(composés de petites pièces), des poulies et des bouts.
Quel travail de préparation et de vérification demande une sortie d’une journée à bord du trimaran Sensations ?
Environ une semaine avant la sortie, nous regardons avec Alain la météo pour avoir une première tendance et nous faisons le point sur la constitution de l’équipage. Deux jours avant, nous faisons une analyse plus précise de la météo et prenons la décision de naviguer ou pas ; sachant que ces bateaux deviennent délicats à mener suivant le vent et l’état de la mer…
Pendant cette période il y a un dernier check général et l’approvisionnement normal en rapport avec notre programme de navigation : carburant, boissons, vêtements de mer etc… et l’organisation ponctuelle de la journée avec Brice : horaires de départ, point de rencontres avec le bateau accompagnateur, horaires de transferts à bord…
Enfin la veille est plus particulièrement réservée au nettoyage de la carène et des œuvres vives. Cette opération s’effectue en plongée avec bouteille et prend environ deux heures. Nous faisons également un check complet de tout le gréement et des voiles, des foïls, des winchs, de la barre et de l’électronique. Tout cela demande au minimum une journée de travail.
Sachant qu’au retour nous avons plusieurs heures de rangement, nettoyage, rinçage et réparation des petits bobos courants.
Ne connais-tu finalement pas mieux les bateaux que les skippers eux-mêmes ?
Sur certains petits détails techniques oui probablement. Mais les skippers connaissent leur bateau sur le bout des doigts et rien ne remplace le temps qu’ils passent à bord.
Alain t’a plusieurs fois confié le rôle de skipper du trimaran il y a deux ans, ce qui est une marque de confiance énorme, c’est un aboutissement ?
Cette marque de confiance est plus qu’un aboutissement, c’est une nouvelle étape avec des responsabilités différentes; dans lesquelles je suis très perfectible. Cela me permet de continuer à apprendre et m’ouvre d’autres horizons. C’est un des charmes de notre métier
Peux-tu nous donner ton avis sur ces bateaux, les trimarans de 60 pieds ?
Difficile de répondre en quelques mots, il est clair que ces formidables machines à créer du vent manquent désormais dans le paysage vélique français. Combien d’équipiers rêvent de pouvoir naviguer de nouveau sur ces machines qui offrent des sensations uniques de puissance, de précision, de réactivité et de vitesse tout en restant à taille humaine.
Quels sont tes projets (tes envies) d’avenir ?
Pour l’instant je souhaite profiter pleinement de l’opportunité qui m’est donné de progresser dans la compréhension d’un 60 pieds. Ce qui demande un peu de temps quand même…
Ensuite, à terme ; participer à un projet neuf et ambitieux ne me déplairait pas non plus comme la coupe de l’America avec laquelle j’ai déjà quelques attaches par exemple car c’est une autre école. Je suis également avec attention les projets de Sensation Océan avec Mayeul Riffet en multi et Jean-Baptiste Dejeanty en mono IMOCA.
Comment juges-tu l’aventure Sensation Océan ?
C’est une très belle idée de donner l’opportunite à des gens passionnés de pouvoir prendre la barre de ces bateaux. Ils accèdent à une part de rêve qu’ils vivent surtout à la télévision ou sur les pontons. Lors des courses ou en période de préparation, souvent intense, ils n’ont que peux de chances d’aborder des skippers tel qu’Alain et de les voir dans le cœur de l’action.
Des gens viennent de toute la France, de Suisse, de Belgique pour partager quelques heures à bord et repartir avec un grand sourire ; à notre grande satisfaction.
Deux petites anecdotes pour finir :
La saison derniere, un anglais d’un certain âge est arrivé à Lorient sur une vieille moto BMW. Il avait fait tout ce voyage uniquement pour ce faire plaisir et vivre une aventure.
Lors d’une sortie sur une journée, le groupe à bord avait légèrement souffert des conditions météo du matin qui étaient un peu physiques et humides pour des gens peu habitués. Nous sommes aller nous abriter sous le vent de Belle Ile pour le repas, alors que le soleil apparaissait ; tout le monde s’est peu a peu rapproché du cockpit autour d’Alain qui a commencé à raconter ses anecdotes de course. Moment d’intimité unique qui a largement fait oublier les cirés humides…..
Pour moi cela résume l’aventure Sensation Océan !
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Témoignage : 29 mai 2010, une journée pas comme les autres… » |